Plus vite,

plus haut...

plus sain ?

 

C’est désormais acquis : l'activité physique nous fait beaucoup de bien. Elle prévient en particulier l'obésité et les maladies cardiovasculaires. Mais, qu'en est-il du sport de haut niveau ?

 

Dossier réalisé par Katia Vilarasau

 

A défaut de médailles, les athlètes inscrits aux Jeux Olympiques de Londres ont toutes les chances de décrocher de belles performances en longévité. Car, selon une étude de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (Irmes), les sportifs de haut-niveau ont tendance à vivre plus longtemps que la normale (1).... démentant ainsi les discours des Cassandre affirmant que leur pratique ne peut être synonyme de bonne santé. Un exploit à mettre davantage sur le compte de l'entraînement que sur des prédispositions génétiques, selon les chercheurs. Ce potentiel peut, par conséquent, être facilement transposable au quidam moyennement sportif. « Les études menées depuis une vingtaine d'années démontrent qu'une activité physique régulière est un excellent moyen pour ralentir les conséquences du vieillissement et prévenir un certain nombre de maladies chroniques », explique Samuel Vergès, chercheur en physiologie de l'exercice à l'Unité 1042 de l'Inserm à Grenoble. Plus l'effort physique est poussé, plus les bénéfices sur la santé seront grands. « Nous sommes toujours sur l'idée que le respect des capacités physiologiques des sportifs ne permet pas d'associer quantité et qualité, souligne Jean-François Toussaint, professeur de physiologie et directeur de l'Irmes. Or les deux sont constamment liées. Si vous êtes capable de plus, vous irez plus loin et mieux. »

Le sport comme médicament

 

Retrouver une capacité de mouvement alors que l’on est devenu totalement sédentaire constituerait donc un gain majeur, y compris pour les patients atteints de pathologies graves. « Faire courir des personnes souffrant de mucoviscidose permet, par exemple, de leur faire gagner en volume d'expiration maximale par seconde, et d'améliorer leurs capacités fonctionnelles respiratoires, poursuit Jean-François Toussaint. Grâce à l'exercice, elles résisteront mieux à l'infection suivante, et gagneront en qualité et en durée de vie. » Forts de ces certitudes, les chercheurs travaillent désormais sur les manières de transférer les bénéfices de l'activité physique dans nos modes de vie, mais aussi dans les soins médicaux. Un vaste champ d’exploration qui permettra probablement un jour, selon Samuel Vergès, d'adjoindre aux traitements thérapeutiques des activités physiques susceptibles d'accentuer les effets des médicaments.

 

Pour Stéphane Diagana, ancien champion d'Europe du 400 m haies, le sport est d'ores et déjà un médicament. « Encore faut-il en définir la posologie. Un cardiologue qui va recommander une activité physique à un malade n'est pas forcément capable de déterminer le sport, les doses ou la structure adaptés à son cas. » Ce qui est acquis : le fait que sportifs de haut-niveau et patients partagent de nombreux points communs. « La nutrition et l'activité physique sont des déterminants primordiaux pour chacun d'entre eux, note encore Stéphane Diagana. L'athlète a besoin de protocoles d'entraînement, d'accompagnement, d'outils d'évaluation et d'une motivation sur le long terme. De même, les personnes atteintes de maladies chroniques ont un challenge à relever, parfois aussi difficile que celui des sportifs de haut-niveau, et doivent être, elles aussi, accompagnées sur la durée. »

 

Des défis sportifs et scientifiques

 

La connaissance des mécanismes qui interviennent dans les performances extrêmes est une mine d'enseignements pour comprendre les ressources physiologiques de l’être humain, ses limites et facultés d’adaptation. En suivant des sportifs en haute-altitude, Samuel Vergès a ainsi démontré que le cerveau, un organe très sensible au manque d'oxygène, est lui aussi clairement impliqué dans les activités physiques. « L'altitude est un laboratoire à ciel ouvert très intéressant, s’enthousiasme le chercheur. Lorsque le sportif se trouve en haute-altitude, son cerveau a du mal à envoyer une commande motrice correcte au muscle, à la fois en termes de qualité, pour la précision du geste, et d'intensité. Cette chute de performances n'est toutefois pas identique chez tous les sportifs, alors qu'ils affichent le même niveau en plaine. En transposant cette problématique au malade, qui manque d'oxygène du fait de sa pathologie et qui se plaint d'être anormalement fatigué, on ouvre un nouveau champ d'intervention, visant à ralentir cet effet et à permettre à l'organisme de mieux s'adapter à ces conditions. » Autre sujet d'investigation qu'offrent les sportifs en haute altitude : les apnées du sommeil induites par le manque d'oxygène et leurs conséquences aux plans cardiovasculaire et cérébral, l'objectif étant de comprendre les mécanismes mis en œuvre par l'organisme de sujets sains pour s'adapter à l'hypoxie et d'étudier leur éventuelle transposition aux patients atteints d'apnées du sommeil.

 

Toujours dans le domaine du sommeil, une étude menée en mai dernier (2) a combiné exploit sportif et performance médicale. Michaël Micaletti, spécialiste des courses sur très grande distance, a parcouru 822 km sur un tapis de course en six jours et six nuits, durant lesquels il n'a dormi que douze heures trente, sous forme de micro-siestes. Comment allait-il résoudre cette problématique de privation de sommeil ajoutée à la fatigue due l’effort ? L’enregistrement de son rythme sommeil-veille a permis de vérifier que les périodes de sieste devenaient de plus en plus riches en sommeil profond et réparateur. Un enseignement susceptible d’intéresser bien des marathoniens du quotidien, trop souvent en dette de sommeil.

 

(1) A paraître le 27 juillet sur www.plosone.org.

(2) par un médecin somnologue, Eric Mullens, et un professeur de Physiologie du Sport à l'Université de St-Etienne ,Guillaume Millet..

Cf. www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/evenements/course-6-nuits-6-jours/

Des techniques sportives de pointe pour tous

 

Transposer les nouvelles méthodes d’entraînement au sport de compétition à l'activité physique de tous est réalisable. Cela peut même bénéficier aux personnes atteintes de pathologies chroniques.

 

Scientifique spécialisée dans la physiologie de l'effort en environnement extrême*, Véronique Billat a mis au point une nouvelle façon de s'entraîner. « Basée sur des phases progressives d'accélération, elle permet d'améliorer la consommation d'oxygène maximale à l'effort, donc d'accroître la puissance énergétique. » L'objectif ? Augmenter à la fois l’endurance, la vitesse et la résistance à l'effort. « Une seule séance d’entraînement peut transformer l'organisme, explique Véronique Brillat. Et contrairement aux footings longs et ennuyeux, cette méthode n'induit pas de fatigue ou de surmenage. Elle s’adapte à chacun, quel que soit le niveau sportif. »

De l'athlète au malade

 

D'autres unités de recherche étudient l'adaptation des techniques d'entraînement issues du monde sportif à différentes pathologies. Parmi ces techniques : l'électrostimulation. Ce procédé vise à augmenter la masse musculaire grâce aux contractions provoquées par des stimulations électriques. « Son utilisation présente des effets intéressants, note Samuel Vergès, chercheur en physiologie de l'exercice, notamment chez les personnes atteintes de pathologies respiratoires, telle la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) qui entraîne une fonte de la masse musculaire. Or, nous savons que la masse musculaire dont dispose le patient sera la clé de sa qualité de vie, voire même sa survie. Le recours à l'électrostimulation chez un malade essoufflé lors de la marche permet donc d'accroître la masse musculaire, tout en contournant son handicap à l'effort. » Les patients recouvrent ainsi force musculaire et mobilité, facteurs importants de santé, notamment chez les personnes obèses ou diabétiques.

 

Suppléer l'absence d'activité physique

 

Autre technique développée ces dernières années : l'entraînement spécifique des muscles respiratoires, destiné à augmenter la profondeur de respiration des athlètes désireux d'améliorer leurs chronos. « Dans certaines pathologies (ndlr. Maladies neuromusculaires, lésions médullaires, insuffisance cardiaque, etc.), ces muscles peuvent ne pas être suffisamment forts pour faire fonctionner le système respiratoire de façon optimale, poursuit le chercheur. Leur entraînement permet de compenser les effets néfastes de la maladie, en diminuant les anomalies cardiovasculaires ou métaboliques générées par la maladie elle-même et  l'absence d'activité physique. »

 

* Unité de Biologie intégratives des adaptations à l'exercice (UBIAE)/Inserm à Evry.

Source : Valeurs mutualistes, magazine des adhérents de la Mutuelle Générale de l’Education Nationale (MGEN).