L’INSUFFISANCE RESPIRATOIRE

 

AU COURS DE LA MUCOVISCIDOSE

 

 

 

par Joseph Gabriel Bieth, Directeur de Recherche Honoraire à l’INSERM

 

 

Introduction

 

 

 

La mucoviscidose, parfois appelée fibrose kystique du pancréas, est une maladie génétique transmise par le père et la mère. Elle touche divers organes dont le poumon, le pancréas, le foie et les organes de reproduction. Elle affecte principalement les voies respiratoires et le système digestif.  Dans la plupart des cas, l’atteinte pulmonaire conduit à un décès prématuré des malades si une greffe d’organe n’a pas pu être effectuée.

 

 

 

L’oxygène (O2) que nous inspirons est transféré au niveau des alvéoles pulmonaires sur l’hémoglobine contenue dans les globules rouges du sang. Ces derniers le véhiculent vers les tissus où il assure un rôle énergétique indispensable à la vie. Sa combustion dégage un gaz toxique, le gaz carbonique ou dioxyde de carbone (CO2), lui aussi transporté vers le poumon par l’hémoglobine et éliminé au cours de l’expiration pulmonaire. On parle d’insuffisance respiratoire lorsque le poumon n’est plus capable d’assurer une  oxygénation normale du sang et une élimination normale du gaz carbonique. Elle peut être aiguë ou chronique. Dans le dernier cas, elle est souvent liée à une obstruction partielle des bronches qui est réversible dans l’asthme mais irréversible dans la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) et la mucoviscidose (Weitzenblum, E. La BPCO Bronchopneumopathie chronique obstructive, Souffle d’Amitié. Juin 2011, p. 4 à 8).

 

 

 

La mucoviscidose qu’est-ce que c’est ?

 

 

 

C’est la maladie du mucus visqueux (MUCUS + VISCOSITE = MUCOVISCIDOSE). Le mucus est une substance de consistance épaisse, poisseuse et gluante sécrétée entre autres dans le poumon par les cellules qui tapissent les bronches, les conduits aériens du poumon. Chez l’homme sain, il agit comme un vide-ordures. En effet, il migre en permanence du poumon profond vers la bouche grâce aux cils vibratoires qui tapissent les bronches, entraînant avec lui les poussières, les goudrons et les  microbes que nous inhalons en permanence. Au cours de la mucoviscidose, ce mucus est très visqueux si bien que son évacuation pulmonaire est très difficile, voire impossible. Les bronches sont alors obstruées en permanence, les  bactéries et champignons s’y développent avec aisance. Ainsi, le poumon devient progressivement un véritable bouillon de culture microbien peu à peu insensible aux antibiotiques.

 

 

 

Pourquoi le mucus est-il si visqueux dans la mucoviscidose ? C’est parce qu’il manque d’eau. Cette déshydratation est due à un dysfonctionnement du canal chlorure (encore appelé canal chlore) situé sur la membrane des cellules qui tapissent les voies respiratoires. Ce canal est une  sorte de tunnel qui traverse la membrane de ces cellules et permet aux chlorures de se déverser dans le milieu extracellulaire. Puisqu’ils entraînent l’eau, les chlorures assurent l’hydratation du mucus bronchique. Rappelons que le chlorure (Cl-) est un anion qui, en se combinant à divers cations, forme un sel. Par exemple, la combinaison de l’anion chlorure avec le cation sodium Na+ forme le  sel (ClNa). Dans la mucoviscidose, le canal chlore fonctionne mal ou pas du tout, ce qui rend le mucus très visqueux.

 

 

 

Pourquoi le canal chlore ne fonctionne-t-il pas dans la mucoviscidose ? C’est parce qu’il a subi une modification génétique. Le canal chlore est en fait une protéine qu’on appelle CFTR, de l’anglais « Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator » qui se traduit  par « régulateur de la conductance (du transport) transmembranaire dans la fibrose kystique (synonyme de mucoviscidose) ». La production des protéines est sous le contrôle des gènes c’est-à-dire des séquences d’acide désoxyribonucléique (abrégé ADN). Le gène CFTR peut subir de nombreuses mutations, certaines engendrant un dysfonctionnement du canal chlore, d’autres conduisant à son absence.

 

 

 

Puisque la mucoviscidose est due à des mutations génétiques, elle est classée dans les maladies génétiques et donc héréditaires. En France, elle atteint un enfant sur 2 000 à 2 500 naissances viables et touche environ 200 enfants chaque année. Les parents de ces enfants sont des porteurs sains de la maladie et représentent environ 2 millions de personnes en France. Un père et une mère porteurs sains ont 25% de risques de donner naissance à un enfant sain, 25% de chance de donner naissance à un enfant atteint de mucoviscidose et 50% de risques de donner naissance à un enfant porteur sain : c’est dire combien cette maladie génétique se propage vite et doit être diagnostiquée précocement. L’idéal serait de repérer tous les porteurs sains, ce qui est impossible pour des raisons financières et surtout éthiques. Par contre, le dépistage systématique  de la maladie est relativement facile chez le nouveau né et a été instauré en France dès 2003. Ce dépistage devrait influencer le projet parental. Au minimum, la naissance d’un enfant atteint de mucoviscidose  devrait inciter les parents à faire pratiquer une analyse génétique sur eux-mêmes pour confirmer s’ils sont porteurs sains, d’une part, un diagnostic prénatal au cours d’une nouvelle grossesse, d’autre part.

 

 

 

La mucoviscidose touche aussi bien les garçons que les filles, elle n’affecte pas  les capacités intellectuelles ni musculaires, elle n’est pas contagieuse et  sa sévérité est variable d’un malade à l’autre.

 

 

 

Le mucus n’est pas seulement sécrété par les cellules des voies respiratoires mais aussi par celles d’autres organes dont le pancréas, l’intestin, le foie et les organes génitaux si bien que la mucoviscidose se caractérise  aussi par un dysfonctionnement de ces organes. La plupart des sujets souffrant de mucoviscidose ont une insuffisance pancréatique plus ou moins grave qui se traduit en général par une diarrhée chronique qui explique leur perte de poids. Plus rarement, il s’installe un diabète insulinodépendant ou une atteinte hépatique et biliaire. La stérilité chez les garçons ou l’hypofertilité chez les filles sont, par contre, fréquentes. Ceci explique pourquoi la maladie est transmise presque exclusivement par des porteurs sains.

 

 

 

Mucoviscidose et insuffisance respiratoire

 

 

 

Si le dysfonctionnement pancréatique est relativement facile à soigner par un régime alimentaire et une prise  d’enzymes pancréatiques exogènes, la forme pulmonaire de la mucoviscidose est très difficile à traiter. Elle représente l’issue fatale de cette maladie si une greffe de poumon n’a pas pu être réalisée. Comme les sécrétions muqueuses, trop visqueuses, s’écoulent mal dans les conduits naturels, il peut se produire des obstructions des petites bronches pouvant provoquer une détresse respiratoire du nouveau-né. Chez le jeune enfant, on note de la toux sous forme de quintes persistantes et répétitives. La respiration peut devenir sifflante du fait de l’obstruction des petites bronches. Des infections pulmonaires à répétition (bronchites) peuvent survenir chez le jeune enfant et se maintenir chez l’adulte. Les germes les plus fréquemment retrouvés sont Haemophilus influenzae (bacille de Pfeiffer) (jusqu’à 5 ans), Staphilococcus aureus (Staphylocoque doré) (de 6 à 17 ans), puis Pseudomonas aeruginosa (bacille pyocyanique) et des champignons microscopiques comme Aspergillus fumigatus (âge adulte). Le bacille pyocyanique provoque des infections redoutables car elles ne répondent pas bien aux traitements antibiotiques (antibiorésistance). Il sécrète l’élastase, une enzyme capable de digérer rapidement l’élastine pulmonaire (Hamdaoui, A., Wund-Bisseret,F and Bieth, J.G.. Fast solubilization of human lung elastin by Pseudomonas aeruginosa elastase. American Review of Respiratory Diseases 1987 , vol 135, p.860).L’élastine est responsable de l’élasticité du poumon. Sa destruction occasionne une insuffisance respiratoire qui se rajoute à celle provoquée par l’obstruction bronchique.

 

 

 

Conclusion

 

 

Si la mucoviscidose reste de nos jours une maladie incurable, d’énormes progrès ont été faits pour en infléchir le cours. Ainsi, l’espérance de vie des patients, qui n’était que de 7 ans en 1965, est passée à 47 ans et il n’est pas rare que des malades atteignent plus de 70 ans. C’est la recherche qui a rendu ces progrès possibles. Grâce à elle et grâce au diagnostique néonatal et aux soins précoces, les personnes atteintes de mucoviscidose mèneront bientôt une vie familiale et professionnelle normale.

 

 

 

Rendons grâce ici à l’association « Vaincre la Mucoviscidose » (www.vaincrelamuco.org tel. 01 40 78 91 91) qui joue un rôle primordial dans le soutien des malades et de leurs familles ainsi que dans la promotion de la recherche clinique et fondamentale sur la mucoviscidose. Chaque année, cette association organise les « Virades de l’espoir », une façon intelligente de collecter des fonds.

 

 

La phrase de l'année, dite par le Prix Nobel de Médecine

 

(el oncólogo  brasileño Drauzio Varella).

"Dans le monde actuel, on investit cinq fois plus en médicaments pour la virilité masculine et en silicone pour les femmes, que pour la guérison de l'Alzheimer. D'ici quelques années, nous aurons des vieilles aux gros seins et des vieux aux pénis bien raides, mais aucun d'entre eux ne se souviendra à quoi ça sert."