« CHARLES EDOUARD* » M’EMPOISONNE LA VIE !

                                                                               

                                                                                  Témoignage d’une insuffisante respiratoire

 

            Nous avions rencontré Françoise au Congrès de Biarritz, où elle était dépressive et révoltée parce qu’elle venait d’apprendre qu’il lui faudrait désormais vivre sous oxygène 24h/24 ! Quatre années se sont écoulées depuis… Nous l’avons retrouvée cet été au Congrès de Nancy, apaisée, mais toujours battante, se réjouissant de chaque petite victoire sur ses difficultés respiratoires, notamment lorsqu’elle a réussi à gravir les trois étages de la brasserie que nous avons visitée. Elle a accepté de nous faire parvenir son témoignage, qui traduit si bien la révolte et le désarroi des insuffisants respiratoires – et tout particulièrement des insuffisantes – quand tombe le verdict de la maladie et du handicap, et qu’il faut – en plus ! – affronter le regard des autres.

            « Merci Françoise, pour votre gentillesse et votre leçon de courage ! »

  

            8 juin 2007 au congrès de Biarritz, je râle. « 24h/24 a dit le Dr Yvinec. – NON ! ». Pourtant, je sais que mon corps en a besoin. Il crie : « J'étouffe ». Ça fait déjà plusieurs années que je vis avec un nœud coulant qui se resserre peu à peu autour du cou. Mais je veux gagner par mes propres moyens, mes propres forces.

 

            L’oxygène, c'est la défaite, la guerre perdue. J'ai perdu.

            La maladie m'a vaincue. « Le mal-a-dit : tu as perdu ».

            Je ne peux plus rien faire, toute activité physique devient impossible. Ma maison est une porcherie. Mon jardin retourne à l'état de friche. Ma vie est en plein désordre. Me laver, me nourrir m'épuisent et en plus, je n'ai goût à rien, je déprime à plein tube. Il me reste à crever.

 

         En attendant, me voilà lestée de 5 kg sur l'épaule ou sur le dos (sac à dos horrible en plastic gris, la transpiration ruisselle sur mon dos. Beurk !). Mal à l'épaule, à la colonne vertébrale, 6 kg à droite ou à gauche, ça déséquilibre la statique du corps. Comme si mes ennuis n'étaient pas suffisants ! Les inévitables effets secondaires... Je tombe de Charybde en Scylla.

            Sortir avec ce harnachement... pas possible. Même pas pensable. Humiliation, signature de l’échec.

 

            Après une semaine de claustration, je fais une tentative. Je me trouve nez à nez avec une femme qui « tombe en arrêt » devant moi. Comme le faisait Mars, mon setter irlandais quand il avait flairé un gibier. Elle est là, devant moi, yeux écarquillés, bouche ouverte, comme si elle venait de voir apparaître un "E.T.".

            Pour un premier essai, c'est un coup de maître.

 

         J'ai failli annuler ma participation au Congrès de Biarritz, mais, en râlant, j'y vais. Belle organisation, accueil chaleureux et piscine. « Charles Edouard* » (C'est le petit nom de mon *portable) m'empoisonne la vie, mais je le trimbale entre la chambre, (que je partage agréablement avec Annie Gaborieau, tout comme la piscine, d'ailleurs) et le lieu du Congrès qui est à 150 m. Je suis plus essoufflée avec que sans. Le stress, plus 5 kg de lest, c'est radical ! « Charles Edouard » est pire que le mal. Heureusement qu'il y a la piscine. Là, je revis, délestée des 5 kg de 

« Charles Édouard » et allégée par la poussée d'Archimède. On me voit d'ailleurs davantage dans la piscine que dans les salles de réunions…

 

        Mais cela ne m'empêche pas de glaner des informations et de rencontrer des professionnels qui proposent des matériels performants et à la pointe de la recherche :

 

1ère découverte : un petit portable performant, économiseur d’O², discret et beaucoup plus esthétique, ce qui pour moi, a son importance. Il ne convient pas à tout le monde, paraît-il. Moi, il me conviendra. En plus, il se porte comme une ceinture, mes mains retrouvent leur liberté, mon corps aussi. En le mettant sur les fesses, ma colonne vertébrale ne subit plus de porte-à-faux. Portage au niveau du bassin. Ce n'est pas un hasard si le corps a positionné le fœtus à cet endroit. La statique du corps est respectée et je récupère de la liberté.

       

        L'obtenir dès mon retour. Il faudra un bon mois pour qu'enfin « Charles Edouard junior » débarque chez moi. Et là, je revis. Je peux sortir de ma claustration dans la maison. Je peux me promener. Il ne pèse que 2 kg et sur les hanches, c'est non significatif.

 

         Je reprends goût à la vie et utilise largement les services d'Aliséo-vacances. Une semaine en Ardèche, 5 jours sur la côte d'Azur, une semaine à côté de Montpellier. Je reprends ma vie de pigeon voyageur, ça va mieux et le moral remonte. La santé s'améliore.

 

2ème découverte : un compresseur à O² silencieux, dissimulé dans une valise aéroport, petit modèle. Une solution pour les voyages au long court – désert, Amérique du Sud, et pourquoi pas Tibet ! - utiliser l'énergie solaire. Les techniciens avec lesquels je déjeune, ne disent pas que c'est impossible, c'est juste un problème technique à résoudre. Pour fournir 11 heures d’O², il faut actuellement 1 m² de cellules photovoltaïques. Il faut donc encore faire quelques recherches de miniaturisation. C’est possible, mais pas immédiatement. Il faut stimuler la recherche.

Et, toujours pareil, ça coûte cher. Et il faut des débouchés pour que leurs entreprises tentent le coup. En tout cas, je suis volontaire pour essayer le matériel « in situ » ; leur faire de la pub en effectuant une traversée du Sahara avec O², un trek au Tibet ou dans la Cordillère des Andes. A étudier... et à négocier avec les entreprises.

 

La Vie reprend ses droits.

            J'ai retrouvé une raison de vivre. J'ai retrouvé ma capacité à rêver car « il n'y a pas de rêves fous, seulement des fous qui ne tentent pas de réaliser leurs rêves. »

 

         La résignation, c'est la Mort. « Seul aujourd'hui existe, le passé est passé et le futur se construit de chaque instant vécu intensément. »

 

* appareil respiratoire

                                                                                           Témoignage de Françoise CRETOIS