Le benjamin de l’AMIRA atteint du

Syndrome d’Aicardi Goutières

Rien ne préparait Nadège à ce drame. Sa grossesse s’était passée sans problème, mis à part un refroidissement au cours du 8° mois. Mathéo naquit le 24 octobre 2005. Il poussa son cri de nouveau-né… puis ce fut le silence. Il ne pleurait pas, ne réclamait pas le sein, en un mot, ne réagissait pas ! Une insuffisance de plaquettes fut détectée. On le transféra à l’hôpital de HAUTEPIERRE pour deux transfusions dans le but de faire remonter le taux de plaquettes. On fit des recherches sur la présence de tous les virus possibles. Il resta sous surveillance une quinzaine de jours. Il présentait également une hypertonie pour laquelle on recommanda aux parents de le faire suivre par un kinésithérapeute au retour de l’hôpital, afin de soulager cette tension excessive et permanente des muscles.

 

Les semaines passèrent, mais Mathéo ne se développait pas ! Il s’alimentait difficilement. Il prenait quelques grammes puis les perdait, car il régurgitait beaucoup, suite à des « fausses routes » liées à une déglutition difficile. Jusqu’à l’âge de trois ans sa maman l’alimentait uniquement au biberon. Ce n’est qu’avec les grands-parents qu’il acceptait de manger à la cuillère. A trois mois, il fallut le ré-hospitaliser. Les médecins décelèrent une cardiomyopathie, c’est-à-dire une maladie du muscle cardiaque. Mais une opération ne pouvait être envisagée à cause de son extrême fragilité.

 

Il fut question du Syndrome de WEST, appelé aussi spasmes infantiles ou épilepsie du nourrisson. A plusieurs reprises, il fut pris de convulsions, la première déclencha la panique chez la maman. Que faire ? Comment réagir ? Il souffrait également d’engelures. A cela s’ajoutaient des problèmes respiratoires : à partir de 6 mois les bronchiolites se multiplièrent. A chaque hospitalisation on lui administrait de l’oxygène.

 

Et puis une nouvelle grossesse s’annonça ! Nadège était relativement confiante puisqu’on lui avait dit que le fœtus avait 75% de chance d’être sain ! Mais au huitième mois, alors qu’elle amenait Mathéo pour des problèmes de vue chez la généticienne, cette dernière lui annonça que son bébé risquait à 50% de présenter les mêmes symptômes que son frère ! Ce fut un coup de bambou pour Nadège, car elle ne se sentait pas de taille à élever deux enfants lourdement handicapés. Heureusement, à la naissance, Tom pesait 2 kg 730, contrairement à Mathéo qui n’atteignait pas les deux kilos. Son poids étant normal, Nadège fut rassurée !

De quelle pathologie Mathéo souffrait-il au juste ? C’est le dermatologue, chez lequel on avait amené l’enfant pour des engelures, alors qu’il avait trois ans déjà, qui, le premier, soupçonna le syndrome d’AICARDI GOUTIERES et prescrivit les examens indispensables pour confirmer ce pronostic : la ponction lombaire révéla en effet que les interférons Alpha étaient élevés. Les parents purent alors mettre un nom sur la maladie orpheline qui affectait leur enfant.

 

Le syndrome d’Aicardi Goutières est une maladie rare parmi les rares, puisque seuls une quinzaine de cas sont rapportés en France. Elle atteint le cerveau et l’espérance de vie ne dépasse pas les dix ans. Suite à ce diagnostic, Nadège et Alain demandèrent à subir les tests appropriés pour savoir s’ils étaient, eux aussi, porteurs du gène qui caractérise cette pathologie. Hélas, ils présentaient tous deux ce marqueur biologique !

 

En attendant, les séjours à l’hôpital de Mathéo se multipliaient. « Combien environ » ? Demandai-je. «  Beaucoup… trop » répondit laconiquement la maman. Deux hospitalisations restent à jamais gravées dans la mémoire des parents. Lors du premier épisode, ce fut une infection pulmonaire. Le corps médical leur laissa le soin de décider dans l’urgence du sort de leur enfant au cas où son état de santé continuerait à se dégrader. Il convenait de laisser les consignes à l’équipe de nuit. Deux solutions se présentaient à eux : une trachéotomie… en sachant qu’il resterait intubé à vie et que rien n’assurait son rétablissement, ou laisser faire la nature. Le cœur lourd, les parents choisirent cette dernière solution. Lors du second épisode, le disfonctionnement des reins et du foie furent en cause, sans doute suite à un épisode de gastroentérite fulgurante, car il n’y avait plus que des traces de virus lors des différents prélèvements. Cette fois encore, Alain et Nadège laissèrent faire la nature… et grâce à l’indomptable force de vie de Mathéo, le foie se régénéra !

 

Lors d’une hospitalisation pour une infection urinaire, il fallut nourrir Mathéo par sonde nasogastrique. «  Un épisode particulièrement pénible » se souvient Nadège. Elle devait introduire une sonde par le nez jusqu’à l’estomac, une pratique fort désagréable ! Le garçonnet trouva peu à peu la parade en toussant, ce qui éjectait le tube. Nadège se souvient encore du jour où il répéta ce «  manège » à quatre reprises. Epuisée et découragée, elle finit par se ranger à l’avis de son pédiatre qui préconisait depuis assez longtemps déjà une gastrotomie : l’opération consiste à introduire une sonde directement dans l’estomac avec une canule qui s’ouvre et se ferme à l’extérieur du ventre par «  un bouton » ! Nadège aurait voulu épargner cette nouvelle intervention à Mathéo ! Pourtant, cette technique se révéla efficace pour l’enfant !

 

Mathéo avait cinq ans à ce moment-là et pesait 9 kg !!! Comme il était censé prendre du poids, Nadège choisit d’acheter des vêtements « 18 mois », en se disant qu’il en aurait pour un bout de temps avec cette taille-là. Mais le mois suivant, ils étaient trop petits ! En moins de deux ans, il allait prendre ainsi 7 kg grâce à ses poches de nourriture pour adulte. La maman réussit maintenant, elle aussi, à le nourrir en parallèle à la cuillère, opération plus ou moins fructueuse selon les jours. En tout cas, s’il ne prend que trois cuillerées, il connaît autre chose que le «  gavage » ! Et depuis cette intervention, Mathéo se développe beaucoup mieux, a moins d’infections et subit moins d’hospitalisations.

 

A l’automne 2011 cependant, il présenta des difficultés respiratoires. Une fois de plus, il fut hospitalisé et placé sous oxygène. Au retour, il continua à être appareillé, la nuit uniquement, son taux d’oxygène dans le sang étant suffisant dans la journée ! Ce n’est que depuis le début de cette année qu’il peut à nouveau se passer d’oxygène, mais les parents gardent une cuve au domicile… au cas où ! Ils ont également un aspirateur pour désencombrer ses bronches, ce qui se produit périodiquement! C’est une sonde qu’il faut introduire dans le fond de la gorge, ce qui provoque la toux et force les glaires à remonter : elles sont alors aspirées. Mathéo pleure car il n’apprécie guère ce procédé douloureux.

Depuis la rentrée 2011, Nadège emmène son fils deux fois par semaine en accueil temporaire au SONNENHOF, ce qui favorise la « socialisation » de Mathéo. Etant le benjamin de l’établissement, il est très choyé, une « mascotte » en somme. Il est également suivi au domicile, une heure, deux fois par semaine, par un kinésithérapeute et par une éducatrice spécialisée. L’éducatrice l’installe sur ses genoux et lui passe des objets vibrants sur les membres ou lui fait écouter le son de grelots ou d’un tambourin. Elle finit par des massages que Mathéo adore. Il faut d’ailleurs qu’elle respecte un rituel quasi immuable, sinon Mathéo se braque. Elle introduit malgré tout de mini variantes dans le déroulement de la séance pour le stimuler. Grâce à ces interventions, Mathéo s’accepte mieux, car pendant longtemps il refusait de se regarder dans un miroir et qu’on lui touche le visage.

 

Le plus dur pour les parents, c’est que l’enfant ne communique pas par la parole. Un seul mot, occasionnellement, ferait leur bonheur. Nadège se souvient de la surprise et de l’émotion qu’ils ressentirent lorsque, vers trois mois, Mathéo émit des pleurs et qu’ils entendirent le son de sa voix ! A plus forte raison, le premier sourire fut accueilli avec ravissement et fixé pour la postérité par une rafale de prises de vues.

 

Malgré cela, la famille s’efforce de mener la vie la plus normale possible. Récemment, le papa a emmené son fiston en hélicoptère. La maman a préféré ne pas les accompagner, tant elle avait l’estomac noué. Mais le vol s’est passé sans que Mathéo panique. Les parents prévoient d’ailleurs de partir prochainement en vacances avec lui. Ils se réjouissent de chaque manifestation de vie chez leur enfant, des petits riens qui passeraient inaperçus pour d’autres. Tom, le petit frère, ne semble guère faire attention à Mathéo dans le cadre familial, mais si une personne extérieure touche à un cheveu de son aîné, il le défend bec et ongles !

 

C’est un véritable sacerdoce que d’élever un enfant aussi lourdement handicapé. Quelle patience, quelle énergie il faut à Alain et Nadège pour assumer, jour après jour, la survie de Mathéo ! On ne peut être qu’admiratif devant ces héros du quotidien, qui déploient des trésors d’amour et de courage pour offrir à leur fils le meilleur de la vie.

 

MRG